Version préliminaire

ACFAS '97

 

Formation des maîtres
Le déplacement de l'attention vers l'apprenante et l'apprenant :
utopie ou nouvelle réalité professionnelle ?

Le mouvement de professionnalisation des enseignantes et des enseignants n'a pas encore pris en compte le phénomène des réseaux et ses conséquences. Lors de la dernière ronde de révision des programmes, nous avons été très occupés par la négociation de nouveaux équilibres formation disciplinaire, formation psychopédagogique et formation théorique, formation pratique , ainsi que par le cycle des programmes et la redistribution des responsabilités sur nos campus respectifs. Il faut aussi souligner que le momentum dont jouit Internet ne remonte qu'à l'été 95, alors que les nouveaux programmes de formation pour l'enseignement secondaire débutaient à l'automne qui suivit.

En même temps que démarraient ces programmes, une réflexion intensive s'engageait au Québec sur le bien-fondé d'intégrer les nouvelles technologies de l'information et de la communication (NTIC) à l'éducation, et, à cet égard, plusieurs initiatives furent prises. Le choix de s'ouvrir sur le monde au moyen des technologies nouvelles était et demeure le coeur de l'enjeu. Les actions prises depuis indiquent le souci des acteurs d'inscrire le Québec dans la course vers l'acquisition de la compétence à apprendre durant toute la vie (Delors, Unesco, 1996, http://www.fse.ulaval.ca/fac/tact/fr/html/delors_f.pdf), ainsi que vers l'acquisition d'un esprit de collaboration et de dépassement, que réclame la volonté de construire une société de savoir. Déjà, " l'éducation sur demande " (au foyer comme au travail) n'est plus un cliché, mais une attente.

Dans les écoles, l'implantation des NTIC est commencée. Des besoins de formation se manifestent. La question des compétences dont disposeront ou non les futurs diplômés et diplômées des nouveaux programmes est maintenant fréquemment soulevée.

Les programmes de formation des enseignantes et des enseignants répondent aux besoins du milieu. Le phénomène des réseaux, qui supprime entre autres les barrières relatives au temps et à l'espace, produit un bouleversement des attentes sociales. Les collègues ici rassemblés me paraissant au fait de la demande montante en cette matière (http://www.eduq.risq.net/DRD/planific/ressourc/ressourc.htm), je m'en tiendrai à souligner deux aspects susceptibles d'affecter en profondeur le rôle et la tâche de l'enseignante et de l'enseignant dans le futur. Il s'agit de 1) la fin prévisible de l'accès exclusif aux bases de connaissances, et de 2) la téléprésence. Attribuables au développement des réseaux, il est plus que probable que ces deux possibilités auront, à plus ou moins long terme, des conséquences importantes sur la formation initiale et continue des maîtres.

Le contrôle exercé jusqu'à maintenant par divers acteurs en regard de la transmission des contenus, selon des doses déterminées à l'avance et des étapes bien précises se terminant par des vérifications au regard des acquisitions, pourra-t-il être maintenu dans sa forme actuelle? La disponibilité des technologies nouvelles ne suggère-t-elle pas le remplacement même du modèle d'efficacité retenu (modèle industriel) pour assurer l'accessibilité à l'éducation au siècle qui s'achève? Il est évident que les modes d'accès ont amorcé une mutation d'une envergure qui rappelle celle survenue lors de l'invention de l'imprimerie. Les industries de la connaissance, ces firmes, petites ou grandes, sont à l'oeuvre et produisent des contenus interactifs performants de plus en plus accessibles sur PC (entre autres, les Integrated Learning Systems). Bientôt, les NC (Network Computers) permettront de télécharger des contenus spécifiques reposant sur des serveurs à distance. L'action de " tirer " de l'information de la machine coexistera vraisemblablement avec celle de s'en faire " pousser " (Cf PointCast). C'est dire que de nouveaux acteurs sont présents sur le terrain de l'éducation et offrent de nouveaux mécanismes pour développer et diffuser la connaissance aux personnes particulièrement intéressées par ces nouveaux systèmes ou aux prises avec des problèmes financiers importants au sein de leurs établissements scolaires. L'Ontario a commencé à faire appel à cette façon de procéder. Le Québec fera-t-il la même chose?

Internet est là, les intranets se développent, et les formatrices et formateurs de maîtres ont à composer avec cette nouvelle réalité, voire à en influencer le design. C'est dans notre nature d'universitaires de réfléchir à long terme. Le point que je soumets à votre considération est celui de la pertinence sociale et pédagogique qu'il y a à maintenir l'exposé magistral, essentiellement centré sur l'enseignant-e et qui occupe actuellement la plus grande partie du temps d'enseignement, au moment où l'attention se déplace de plus en plus vers l'apprenante, vers l'apprenant. En matière de formation des maîtres, il importe d'être cohérents entre ce que l'on dit et ce que l'on fait, surtout dans le cas où le contenu enseigné est la méthode (didactique ou pédagogique). L'objectif de cette communication demeure néanmoins celui de définir la réflexion et l'action susceptibles de nous mobiliser à court terme en matière de formation des enseignantes et des enseignants, au fur et à mesure que s'installent les réseaux électroniques d'information, de communication et de collaboration. J'aborderai la transformation anticipée des rôles maîtres - élèves, laquelle sera suivie d'un survol des principales fonctions pédagogiques supportées par les NTIC, ainsi que de certaines interrogations en regard de changements potentiels dans la tâche d'enseignement.

Transformation des rôles maître - élève

  Les réseaux rehaussent les exigences pour l'apprenant-e comme pour l'enseignant-e. La complicité, sinon la complaisance, qui prévalait et prévaut encore entre maîtres et élèves se retrouve en déséquilibre. Le premier principe mis maintenant de l'avant par l'American Psychological Association et le McREL (http://www.fse.ulaval.ca/fac/tact/fr/html/principe.html), est celui de l'apprentissage actif. Il ne s'agit pas de passer à l'élève tout le fardeau, mais de bien définir les responsabilités réciproques. C'est dire que la pertinence des principes de base jadis énoncés par Dewey (apprendre dans l'action), Piaget (construction de la connaissance) et Vygotsky (apprentissage dans le processus interactif) est enfin perçue par une plus large audience. S'il est dorénavant question d'appliquer ces théories dans l'éducation du plus grand nombre possible d'élèves, de nouveaux problèmes pratiques se posent et les NTIC constituent à cet égard un support indispensable.

Lorsque, dans le but de développer chez l'élève des habiletés d'apprentissage pour la vie durant, de tels principes sont appliqués, l'apport des NTIC au sein d'environnements où elles sont intégrées s'avère encourageant (voir R. Grégoire inc., Bracewell & Laferrière, 1996, http://www.fse.ulaval.ca/fac/tact/fr/html/apportnt.html)Voici un aperçu des pratiques en émergence :

 

L'utilisation de l'ordinateur en réseau donne accès à une variété de sources d'information interactives (cédéroms, intranet, Internet) qui offrent aux élèves de nombreuses possibilités (téléprésence de ressources humaines et matérielles) de fouiller dans des bases de données, de s'exercer, de connaître et de comprendre.

Les environnements d'apprentissage riches en information et électroniquement interactifs dégagent l'enseignant-e de sa tâche principale d'unique pourvoyeur d'information à tout un groupe en même temps. En outre, l'enseignant-e participe de près ou de loin au choix des sources d'information et des logiciels-outils insérés dans l'intranet de l'école ou disponibles sur Internet. Il se crée ainsi une tension entre la connaissance dite stable et celle dite non-stable; la connaissance stable devient partie constituante de manuels plus vivants, sur cédérom ou sur page W3.

Les nouvelles technologies assistent l'enseignant-e dans la transmission de contenus (l'ordinateur-tuteur). Le temps de l'enseignant-e peut alors être redéployé vers des tâches plus complexes reliées à la construction, à l'appropriation, à la compréhension auprès des élèves, seuls ou en groupe.

Dans un environnement d'apprentissage riche au plan interactif (interaction personne-machine et interaction personne-personne), l'enseignant-e innove dans ses méthodes de travail :

 

-- en faisant appel à un système d'experts: concepteurs d'application, théoriciens de la cognition, artistes, etc.;

-- en guidant la recherche d'information : " guide dans l'infosphère, " courtiers en ressources ";

-- en expliquant plutôt qu'en apportant de l'information, en aidant à poser un problème et à le résoudre;

-- en co-apprenant avec ses élèves à la manière d'un grand frère ou une grande soeur, l'enseignant-e interprète les possibilités et les limites des ressources disponibles électroniquement et de celles qui lui sont accessibles localement.

Si les discours qui justifient la pertinence des NTIC en éducation et dans les pratiques innovatrices témoignent du déplacement de l'attention vers l'apprenante et l'apprenant, en revanche l'activité du maître et celle de l'élève peuvent prendre des sens bien différents selon que l'on mise sur 1) l'ordinateur-tuteur, soit celui qui ultimement remplace l'enseignant-e, 2) l'ordinateur-outil, soit celui qui instrumente l'élève dans sa propre production de textes, d'images, etc., 3) l'élève- interprète, soit l'apprenant-e qui crée du sens à partir de sa culture d'appartenance et de l'information à laquelle il ou elle a accès. Il y a tout lieu de croire que l'intégration des NTIC en éducation s'effectuera selon des arrangements qui accorderont une part plus ou moins grande à l'une ou l'autre de ces représentations mentales (l'ordinateur-tuteur, l'ordinateur-outil et l'élève- interprète). (un hyperlien à la conférence d'ouverture de l'AQUOPS, 1997)

 

  Il est possible que des formatrices et formateurs de maîtres continueront de penser que cette nouvelle vague de technologies passera comme d'autres ont passé. Rappelons-nous l'article de Larry Cuban (1986) qui expliquait le peu d'innovation constatée dans les pratiques pédagogiques par le fait que les enseignantes et les enseignants n'avaient pas adapté leurs styles d'enseignement, lesquels supposent que certaines responsabilités soient confiées à l'élève, de manière à développer les pratiques pédagogiques supportées par les technologies. Mais l'ordinateur pénétrant toutes les sphères d'activité, il y a raison de croire que les pratiques sociales qui se déroulent au sein de la classe sont elles aussi susceptibles de devoir se transformer.

Pour décrire le nouveau rôle du maître, il est souvent fait appel à des termes comme ceux de guide, " coach " et facilitateur. Aucun de ces concepts n'est nouveau. Pensons aux activités sportives dans une école; pensons aussi aux pédagogies des Dewey, Decroly, Freinet, Paré, Paquette et autres. C'est en autant que le rôle de l'élève changera -- que ce dernier se verra transférer une partie du contrôle de ses apprentissages -- que les investissements actuellement en cours sauront satisfaire aux attentes sociales, directement en lien avec les nouvelles technologies ou pas (voir le numéro thématique sur les nouveaux rôles et les nouvelles relations d'Educational Leadership, octobre 1993), qui les justifient. Ici, nous ne sommes cependant pas à une contradiction près : Hannafin & Savenye (1993) soutiennent que les enseignantes et les enseignants guident leurs décisions et actions sur les normes et vues collectives en vigueur. S'appuyant sur les travaux de Tobin & Dawson (1992) qui soutiennent que le contrôle du maître sur sa classe fait partie de la conception que l'on se fait de l'enseignement, ils mettent en évidence la force de résistance qui s'exerce.

C'est dire que la transformation du rôle du maître et celui de l'élève, qui ne progressera que lentement, doit s'effectuer là où des cultures organisationnelles scolaires, incluant les cultures universitaires, la favoriseront. En de tels lieux, les résultats des expérimentations et des projets- pilote qui fournissent des indications sur les compétences à développer s'avèreront utiles.

Survol des principales fonctions pédagogiques supportées par les NTIC

 Aux États-Unis, le National Council for the Accreditation of Teacher Education (NCATE) a fait connaître, en ce qui a trait à l'intégration des NTIC dans leurs programmes de formation des maîtres, de nouveaux standards auxquels les facultés et départements d'éducation doivent maintenant satisfaire s'ils souhaitent maintenir ou obtenir l'accréditation de cet organisme (1995) :

En ce qui concerne les diplômées et diplômés :

En ce qui concerne le corps professoral :

En ce qui concerne les ressources :

Les études de Taylor Northrup & Little (1996) ont porté sur les indicateurs de succès de l'intégration des NTIC dans les programmes de formation des maîtres. Prenant d'abord soin de se référer aux besoins et aux attentes formulés en matière de formation ainsi qu'aux pratiques en cours relatives à l'intégration des NTIC dans les écoles primaires et secondaires, elles montrent que plusieurs établissements universitaires cherchent actuellement des façons appropriées de répondre à cette nouvelle demande sociale. (p.: 214). De ceci ressort l'importance de travailler en étroit rapport avec les commissions scolaires et les écoles (p. 220).

Les programmes québécois de formation à l'enseignement ne sauraient tarder à comporter des exigences similaires. À défaut de tels indicateurs et en prévision de leur formulation, les trois fonctions de base dont Internet et les intranets multiplient les possibilités sont les suivantes : s'informer, communiquer et collaborer.

S'informer. Parmi les professionnelles et professionnels appelés à travailler avec la connaissance, afin, entre autres, de maintenir leur rôle d'experts, ne faut-il pas inclure les enseignantes et les enseignants? Pour les enseignant-e-s comme pour les étudiant-e-s, l'utilisation des NTIC modifie le rapport à l'information. L'affluence d'informations qu'apportent les nouvelles technologies saute aux yeux. Les simples requêtes d'information venant des élèves ne suffisent pas, pas plus que les formes banales de traitement de l'information; c'est la quête de connaissance guidée par le ou la pédagogue qui compte; l'information en soi n'a pas de sens. L'élève qui progresse dans sa compréhension d'un objet doit interpréter l'information, en constante transformation, trouvée sur Internet ou sur un cédérom afin de lui donner du sens (voir TOI, Laferrière, 1997). " Au cours des récentes décennies, les cognitivistes ont commencé à développer une vue très différente des humains : des êtres qui donnent du sens aux choses et dont la pensée est faite pour des apprentissages complexes et situés ". (Harvard Education Letter, 1993, p. 1). Le récent rapport sur l'éducation de l'Unesco (1996) met en évidence cette nouvelle compétence et la considère comme une partie intégrante de l'apprentissage tout au long de la vie.

Communiquer. Le courrier électronique ainsi que les conférences électroniques passant par Internet multiplient les possibilités d'échanges. Là où Internet est assez répandu, les communications avec les parents augmentent. De nouvelles communautés de pratiques se créent. Y sont, entre autres, discutés des thèmes qui touchent de près les enseignantes et les enseignants, celui, par exemple, d'une gestion de classe qui permet l'accès des élèves à des spécialistes venant de l'extérieur, à des élèves d'autres lieux, à des personnes âgées de leur localité, etc. Le Conseil supérieur de l'éducation sortira à l'automne un avis sur l'école, communauté éducative dans lequel le bien-fondé d'une conception de l'école comme communauté éducative, ouverte sur son milieu d'appartenance, devrait ressortir.

Collaborer. L'explosion des connaissances dont on estime que dans plusieurs secteurs elles se renouvellent tous les cinq à sept ans démontre qu'il faut être plusieurs pour couvrir un domaine disciplinaire donné. De plus, les problèmes complexes nécessitent des perspectives multiples. Des initiatives d'intégration des savoirs sont prises et les réseaux électroniques constituent un support essentiel à cette fin. Les environnements d'apprentissage et de travail coopératif sont en pleine expansion (Lotus Notes, Learning Spaces, Virtual U, CSILE et d'autres). Enseignant-e-s et élèves forment des communautés d'apprentissage. La notion d'intelligence collective de Pierre Lévy (1994) pénètre certaines mentalités.

 Comme conséquence à cet aperçu de pratiques en émergence au sein desquelles se manifeste une plus grande attention à l'apprenante et à l'apprenant, et qui laissent ainsi entrevoir la possibilité d'une mutation de la profession (l'enseignement), la question du contrôle des apprentissages refait surface. L'actuel mouvement de décentralisation au Québec est un indice que le contrôle se relâche. Mais l'établissement scolaire québécois vivra-t-il un aplatissement des relations similaire à ce qui se produit dans l'actuel mouvement de modernisation des entreprises? À mon avis, les coupures budgétaires nous y conduisent de manière accélérée! Les enseignantes et les enseignants accepteront-elles- ils de laisser plus de responsabilité et de contrôle à l'élève, permettront-ils une certaine " horizontalisation " de leurs rapports avec les apprenantes et les apprenants?

L'idée-force ici est que les NTIC placent toute la profession enseignante (les formatrices et les formateurs de maîtres, les administrateurs, les innovateurs sur le terrain, les maîtres, les instructeurs, ...) devant la nécessité de transformer la pédagogie afin de remplacer un système éducatif basé sur la distribution d'une information linéaire et unidirectionnelle par un système éducatif plus évolué au sein duquel la technologie est mise au service d'un apprenant-e éveillé, actif et lui-même producteur de connaissance (constructionisme). Faut-il croire, cependant, que l'efficacité du modèle d'enseignement dominant, soit l'enseignement à la chaîne, dont le curriculum caché prépare à l'obéissance et à la conformité, a pour autant perdu de sa pertinence sociale et pédagogique aux yeux des parents, des enseignantes et des enseignants, voire aux yeux des collègues?

La recherche-développement du Réseau des centres d'excellence en télé-apprentissage / TeleLearning Network of Centres of Excellence consiste à se pencher, entre autres, sur les " nouveaux rôles " supportés par les NTIC, à en saisir les possibilités et à en faire reculer les limites. Un modèle de développement professionnel se dégage progressivement. Mais nous sommes loin de pouvoir formuler des conclusions, car bien des interrogations doivent être soulevées. En voici un aperçu qui évoque des possibles, tous en relation avec la tâche d'enseignement, une tâche en mouvance (?).

La tâche d'enseignement au primaire et au secondaire

Découpée selon les trois moments de la pédagogique (pré-action, inter-action et post- action), les questions qui suivent distinguent les modes de présence (interaction face-à-face) et de téléprésence (interaction à distance, synchronique ou asynchronique), ce dernier mode s'amplifiant avec l'intégration progressive des NTIC et l'élargissement de la bande passante (son, image, vidéo).

 

Pré-action (mode : téléprésence)

Le moment n'est-il pas venu pour l'enseignante ou l'enseignant de faire l'inventaire de ses archives pédagogiques afin d'en extraire de bons produits à partager avec les membres de sa propre culture (organisationnelle, québécoise, francophone)?

" Jadis, lorsque l'élève était prêt, il trouvait le professeur. " L'élève de l'an 2000, habile à déplacer des bits, voudra-t-il apprendre avec des profs physiquement éloignés? Après l'ère des collèges classiques, celle des réseaux sera-t-elle aussi réservée à une élite?

Pré-action (mode : face-à-face)

De quelles professions prendre exemple afin de réviser la f açon de préparer non pas tant une leçon, mais le temps d'échange en face-à-face avec un élève, un groupe d'élèves, une classe?

 

L'élève qui a besoin de gratification, qui est distrait ou, encore qui manque de confiance en ses propres capacités ne doit-il pas d'abord disposer d'un temps d'échange avec son enseignant ou enseignante (sur le temps de classe) avant de voir un psychologue ou un orthopédagogue?

Inter-action (mode : téléprésence)

L'élève sera-t-il un jour virtuellement en contact avec un Freinet reconstitué qui lui apprendra la coopération? un Socrate qui l'interrogera? un Skinner qui l'aidera à maîtriser des bases? un Merrieu virtuellement présent à l'année dans sa classe? une Diane téléprésente, qui excelle dans l'enseignement des fractions? une Chantale qui sait expliquer et réussit à faire comprendre les règles d'accord du participe passé?

Du fait que les frontières s'amenuisent entre l'école et la maison, les écoles, le loisir, les études et le travail, l'enseignant-e ne devra-t-il pas se spécialiser plus encore et utiliser le mode téléprésence pour rejoindre " ses " élèves?

Inter-action (mode : face-à-face)

L'enseignante ou l'enseignant ne voit-t-il ou elle pas déjà diminuer la pression de préparer des jeunes à un monde qui jusqu'à maintenant exigeait obéissance et conformité?

L'élève n'a-t-il pas déjà davantage besoin d'un échange de plus grande qualité avec son professeur ou sa professeure -- un peu à la manière des situations réussies de garde partagée des enfants?

Post-action (mode : téléprésence)

Pouvons-nous penser qu'un nombre croissant d'enseignant-e-s corrigeront des travaux et des examens donnés par d'autres?

L'élève en viendra-t-il à solliciter l'opinion et le jugement de membres de sa communauté et des communautés virtuelles sur ses réalisations?

La post-action (mode : face-à-face)

L'enseignante ou l'enseignant ne doit-il pas tendre à un accroissement de ses échanges avec l'élève afin de le guider adéquatement dans ses démarches d'apprentissage?

L'élève, en partie soustrait à l'obligation d'acquérir un savoir identique à celui de ses pairs, n'aura -t-il pas besoin d'un professeur qui le soutiendra de près avant et après les épreuves de qualification?

Conclusion

C'est dire que l'intégration des NTIC met en évidence l'importance même de la qualité de la relation maître-élève(s). L'idée même de communautés d'apprentissage évoque un degré élevé d'interaction sociale élève-élève et élève-maître à des fins d'apprentissage. Je terminerai par ces mots de Federico Cassalegno :

 

« Dans notre raisonnement, il ne s'agit pas de mettre en avant un hypothèse qui exclut l'autre, de déclarer que le rôle de l'éducateur ent tant que conférencier est terminé et que l'enfant sera le seul maître dans le processus d'acquisition des informations. Au contraire, il s'agit de souligner l'évolution dans le processus d'enseignement et d'apprentissage accompagné par le progrès technologique actuel. » (1996, p. 354.)


Références

Casalegno, F. (1996). Le processus d'apprentissage et de socialisation en réseau. Société, 54, Dunod, 353-364.

Cuban, L. (1986). Teachers and Machines: Use of technology Since 1920. New York: Teachers College Press.

Educational Leadership (1993). Numéro thématique New roles, new relationships, octobre.

Grégoire, R. Inc., Bracewell, R. & Laferrière, T. L'apport des nouvelles technologies de l'information et de la communication (NTIC) à l'apprentissage des élèves du primaire et du secondaire : Revue documentaire. Juin 1996. La version électronique parue en août 1996 est à l'adresse http://www.tact.fse.ulaval.ca/fr/html/apportnt.html

Hannafin, R.D. & Savenye, W. C. (1993). Technology in the classroom: The teacher's new role and resistance to it. Educational Technology, juin.

Harvard Education Letter. (1993). Beyond the Assembly Line : Rediscovering Apprenticeship, vol. 9, 2, 1-3.

Laferrière, T. Réaliser la mission éducative, celle de libérer l'humain, avec les NTIC! Congrès de l'AQUOPS, mars 1997. Voir la version électronique de ce document sur le site de l'AQUOPS.

Lévy, P. (1994). L'intelligence collective: Pour une anthropologie du cyberespace.. Paris: La Découverte.

National Council for the Accreditation of Teacher Education (NCATE) (1995). Quality Teaching, the Newsletter of the National Council for the Accreditation of Teacher Education. Washington, D.C. : NCATE.

Unesco, Commission internationale sur l'éducation. (1996). Rapport Delors, L'éducation, un trésor est caché dedans. Paris : Éditions Odile Jacob.